À Médicis ? Il s'est envolé. Nous a visés. S'est écrasé. Puis... Plus rien. Juste nous sur le fond ocre de cette cage. Gabriella nous reviendra, mes beaux chéris. Elle se penchera sur le coeur de Mattingly. La voix tuée de Carlo Gesualdo.
La nuit n'est pas venue. Elle ne veut plus briller dans mes yeux. Elle porte le drame de Giotto. Elle se cache, dit-on. Même les astres se terrent, perdus, sans repaires. Antiquité trouée... pourquoi aimes-tu les dieux ? Ces absences bizarres...
Mais les rayons blancs tombent de côté. À et-vingt-cinq. Toujours la même plaine, le même ciel. Vieux couple coupé en deux par cet horizon ridé de lointains.
Le grand fardé fait son entrée. Je m'éclipse. Le soleil empêche mes poumons de respirer. Il les brûle, mal irrigués. Mais lui... Tout ce monde véniel au fond du ventre. Est-ce bien sain ? ...
Je l'imaginais plus petite. C'est donc ce corps qui porte le coeur de Mattingly. On verra bien... Elle est blonde. Les yeux noisettes, verts au soleil. C'est l'oeil jaune ça. Celui des guêpes, des reines. L'ivresse en moins.
La jeune fille est assise par terre. Elle dessine. Sa main gauche trace des lignes molles. Comme si elle taquinait le papier. Son visage est inexpressif. Elle n'a pas de seins. Une alliance transperce sa lèvre supérieure. Fiancée au silence. Derrière elle une lionne tousse. '' Avant nous étions ainsi '' dit le croquis.
Nous sommes un reflet. Un double qui s'isole. L'un derrière l'autre. Une tensiond'éléments composés. Le massacre et l'hémoglobine ont la violence du sucre.
Il est revenu, finalement. Je croyais sa disparition complète. Sa honte assumée. Cet homme ambigu, au regard orbité, la tête en forme de harem, de champ ravagé. Peut-être a-t-il accepté notre proposition.
La belle entière est revenue me voir cette nuit. Seule dans le zoo elle a guetté la cage. Sa présence brillait des yeux. Très haut. Jusqu'ici. Ce fut tout.
Et le lointain surgit. Que cela suffise n'est pas assez. Tu es revenue me voir... T'ennuies-tu à ce point de notre indifférence : témoins passifs de la mort de Giotto, ton père ? Oui, c'est moi. Nous seuls ici avons vu la carcasse volante insulter le vol. Vous autres humains êtes de mauvais bruits dans la cité.
Elle me regarde. Elle lit sa propre vie. Elle souhaite un instant fulgurant vrai pur. Dans cette cage où l'ocre m'ignore je suis aux aguets de son âme. Mille pétales anciens déploient ma venue. Ma tête blanche émerge devant ses yeux. Mes ailes s'ouvrent entre ses cuisses. Mon sang circule pour ses cris. Nous sommes une apparition un souffle rauque une joie zébrée de lait, de rires et d'aller retour.
Ils ne sont plus là. Sans jamais être partis. Ils sont peut-être tous autour de moi. Quelque part entre le bleu et l'ocre la cendre et la patience. Pas un son. La nuit seule pour vigile. Où ? Où sommes-nous tous ?